Jours incertains, par Céline Levivier

20 septembre 2007
La Gazette du Nord-Pas-de-Calais,

Le récit de Ghislaine Dunant s'ouvre sur une scène de "Million Dollar Baby". La boxeuse, interprétée par Hilary Swank, sort du coma après une terrible chute. Douloureuse image pour le spectateur, à peine soutenable pour la narratrice de Ghislaine Dunant. Lui reviennent alors en mémoire quelques mois passés hors la vie, à l'âge de vingt-trois ans. " De ces jours d'incertitude, j'ai gardé le souvenir comme si je l'avais enfoui au fond de moi dans une cave. Et j'y entre comme si j'entrais dans un film, les images défilent, comme se déplie une histoire". Le premier souvenir est celui d'un voyage en bord de mer. A ses côtés, se relaient une soeur, une tante et un père. Elle, effrayée de ne rien reconnaître d'un paysage familier, son entourage surjouant la comédie de la vie. Le récit revient aussi sur les moments de flou qui précèdent l'hospitalisation dans une clinique psychiatrique, lorsque l'univers quotidien   se déforme soudain et devient hostile. Puis il suit la patiente dans une institution, à travers les couloirs, le silence, les journées plus jamais marquées par le temps. Avant d'égrener les signes d'un retour à la vie: premier regard posé sur l'autre, sur les autres, sur l'environnement immédiat.
Dans cet " effondrement", Ghislaine Dunant permet au lecteur de toucher du doigt l'absence au monde, autrement dit couramment   " la dépression". Dans les pas d'une patiente, l'écrivain propose une traversée hors la vie qui laisse vacillant. Avec beaucoup de pudeur, elle dit la perte mais aussi le murmure de la vie revenue, le visage de l'autre, le son de sa voix, la compagnie des autres et le temps retrouvé. N'est-ce-pas finalement au bord du gouffre que Ghislaine Dunant ( comme la narratrice) découvre l'urgence et la fragilité de la vie?

C.L.
La Gazette Nord- Pas de Calais, (jeudi) 20 septembre 2007

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