Pascal Jourdana

28 novembre 2007
Marseille L'Hebdo,

Le tout premier roman de Ghislaine Dunant, "l'Impudeur", paru en 1989, était un beau récit sur le désir et la sensation. Le sujet du dernier est au fond assez proche. L'histoire est celle d'une femme qui, un temps, fuit vers "l'anesthésie psychique, sexuelle et sensible". Elle "se déserte". Une dépression? Le mot n'est jamais écrit, et il s'agit bien plus que de cela. L'auteur décrit en effet ce qui peut faire tenir une vie alors même que le désir en a disparu. Blottie au sein d'une maison de repos, la narratrice affronte le vide et la fragilité de chaque geste ou parole. Refusant les conseils de rester couchée pour ne pas ressembler à une morte, elle erre avec gaucherie, bouge et pense à peine. Tout menace, jusqu' à ce qu'un autre "malade" (mais est-elle malade?) la trouve "assez réelle pour parler". C'est un don, une liberté retrouvée.
Presque toutes les phrases de ce court récit seraient à citer. Murmurées avec force, elles concilient ténacité et sobriété pour dire au plus juste cet état d'incertitude, cet entre-deux où tout pourrait basculer vers la mort mais reste mystérieusement du côté des pulsions élémentaires de la vie. Un livre ignoré des Prix? Qu'importe: il s'impose.

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